PostMortem FR


L’objectif de ce document est de garder une trace de ce projet et des étapes par lesquelles je suis passée. Je le fais avant tout pour moi, comme une manière de clôturer des mois de travail et aussi de créer un support sur lequel je pourrai m’appuyer pour mes prochains projets.

Si ce retour d’expérience peut en plus servir à d’autres personnes c’est tout bénéf’ ;)

 

1.    La genèse du projet : un jeu pour apprendre

 

Je me suis mise en tête d’apprendre à coder sur Godot fin 2022. J’avais déjà une bonne expérience en codage (c’était mon job pendant 3 ans) et j’avais appris à utiliser Unity pendant quelques mois avant. D’expérience et comme l’explique très bien Mark de GameMaker Toolkit (en anglais dans cette vidéo notamment), la meilleure manière d’apprendre ce n’est pas uniquement de suivre des tutos, c’est aussi de mettre les mains dans le cambouis et d’essayer de s’en sortir avec juste la doc.

J’ai suivi le super tuto de Baba des Bois (en français) qui m’a permis d’avoir des bases (je ne suis même pas allée jusqu’au bout…). Très vite j’ai voulu me challenger avec un petit projet. Je ne voulais pas partir sur quelque chose de trop compliqué, surtout en terme de game design. Le but n’était pas de trouver LE concept de fou, mais plutôt quelque chose de suffisamment simple et solide pour que je puisse me faire la main et ajouter malgré tout une petite pointe de créativité.

J’aime beaucoup le billard, du coup je suis partie là-dessus : le concept est déjà clair, simple et éprouvé. J’ai ensuite réfléchi à comment y ajouter un twist. J’ai balayé plusieurs options et puisqu’il s’avère que je suis également fan de l’espace, j’ai rapidement été enthousiasmée à l’idée de combiner les deux.

A partir de là, il n’y avait plus qu’à !

 

Ce que je retire de ça :

  • A posteriori je peux dire que j’ai énormément appris grâce à ce projet, et surtout je me suis bien mieux appropriée les concepts qu’en suivant bêtement un tutoriel. Donc même si partir sur un tuto est une bonne première étape pour défricher le terrain, la mise en pratique reste quelque chose d’indispensable.

 

2.    Le prototype : la puissance du quick and dirty

 

Une fois l’idée de base fixée, la première étape était de faire un prototype pour m’assurer que je ne me lançais pas dans quelque chose de trop compliqué pour moi. C’était aussi l’occasion de tester rapidement des concepts en mode quick and dirty.

Voici différentes fonctionnalités que j’ai pu écarter rapidement grâce au prototype :

  • Le tir avec la barre espace et les flèches plutôt que la souris ;
  • La rotation de l’espace de jeu ;
  • La rotation du lanceur ;
  • Et d’autres, je ne me souviens plus de tout ^^

C’est également grâce au prototype que j’ai pu travailler sur le point central de Cosmic Billiard : la gravité !

J’étais d’abord partie dans l’idée de reprendre les équations de Kepler pour faire quelque chose de réaliste, mais rapidement je me suis retrouvée confrontée à deux problèmes : d’un c’était laborieux à implémenter, et de deux il n’était pas nécessaire d’aller si loin pour que le jeu fonctionne. Etant donné l’ampleur du projet, une approximation était largement suffisante.

Le prototype était complet une fois que j’avais implémenté les collisions et l’apparition de planètes statiques et en mouvement. Ceci fait, il était temps de passer aux choses sérieuses !

(pour info j’ai passé environ 2 semaines à temps plein sur le prototype)


Mon prototype

 

Ce que je retire de ça :

  • Je le savais déjà, mais au cas où quelqu’un me lit et n’en est pas persuadé : un prototype est une étape indispensable de n’importe quel projet ! C’est le meilleur moyen de tester rapidement des concepts. Cela permet de gagner beaucoup de temps et donc d’énergie. Sur des projets de ce genre qui s’étendent sur longtemps, se ménager, surtout au début, c’est indispensable ! (vidéo de GameMaker Toolkit sur le sujet)
  • Je note également qu’il est important de fixer un seuil d’exigence, que ce soit pour le projet dans son ensemble ou bien juste pour une fonctionnalité. Encore une fois, sur ce genre de projet il est important de se ménager. Il faut donc savoir être lucide et ne pas s’acharner à la recherche de la perfection (appliquer le principe de Pareto en somme).


3.    La planification : l’importance de garder des notes

 

Dès la phase de prototypage j’avais commencé à remplir un document dans lequel je structurais le format du jeu. Je vais essayer de mettre le document en question en libre accès pour celles et ceux que ça intéresserait. Il m’a également servi de support d’idéation. Pour les propriétés des planètes que l’on lance notamment, mais aussi pour les soleils, j’ai listé les paramètres qui les caractérisent. A partir de là je pouvais m’amuser à faire varier les paramètres pour voir ce que ça donnait. C’est notamment comme ça que j’ai eu l’idée d’inverser la gravité du soleil.

Aussi j’ai dressé un plan sommaire des niveaux que je voulais faire et ensuite j’ai commencé une to do-list afin d’avoir une vision claire des tâches à venir. De ce point de vue j’ai mis en application ce que j’ai appris en études supérieures et au travail, à savoir découper les tâches en plein de petites étapes facilement réalisables. C’est le meilleur moyen de structurer son travail, ne pas s’éparpiller, et faciliter le passage à l’action.

Sur ce point j’ai d’ailleurs un conseil à donner : ne rayez pas les tâches, préférez un code couleur. D’une part il sera plus simple de vous repérer dans votre to do, qui peut être très longue, et d’autre part ça vous permet de garder en vue tout le travail accompli. Il est facile de penser qu’on avance pas ou de se décourager en cours de route, il est donc primordial de soigner sa santé mentale et de saisir chaque occasion de se mettre du baume au cœur. Et par ailleurs le sentiment que j’ai eu en voyant ma liste toute verte est indescriptible.

Pour information mon code perso est :


Ce principe de ne pas rayer s’applique aussi pour les idées mises de côté. C’est important de garder trace de ces choses pour y revenir facilement au besoin, et aussi pour éviter de perdre du temps à y repenser des semaines voire des mois après.

Enfin pour ce qui est de la prise de note, je vous conseille comme autre outil la matrice présentée par GameMaker Toolkit dans cette vidéo (toujours en anglais). Je l’ai faite et ça m’a beaucoup aidé à structurer mes niveaux.

J’ai des photos de mes documents papiers en annexes à la fin de ce document.

 

Ce que je retire de ça :

  • Du point de vue planification je n’ai pas appris grand-chose mais c’est un point trop important que je ne remette pas l’emphase dessus : la planification c’est la colonne vertébrale de tout projet !
  • Ensuite j’ai pu mettre en pratique plusieurs outils d’idéation présentés sur le net. Je recommande notamment toute la chaîne YouTube de GameMaker Toolkit (encore lui mais je n’y peux rien, son contenu est vraiment excellent !)



4.    Le développement

 

Que dire sur le développement ? Honnêtement je ne saurais pas par où commencer donc je vais directement lister que j’en retire.

  • Je maîtrise bien les concepts d’héritage mais je me suis rendue de beaucoup de limites en terme de réutilisation du code. Pour mes prochains projets il faudra que je travaille sur le principe de composition (explication complète de Baba des Bois en français dans cette vidéo).
  • Il ne faut pas utiliser au maximum les signaux, c’est primordial pour éviter les terribles « get_parent() ». Pour mes prochains projets je m’assurerai de les utiliser autant que possible.
  • Il est important de faire tester rapidement son jeu par d’autres personnes. Ça permet de prendre du recul sur ce qu’on fait et d’éviter de trop revenir en arrière par la suite si on se rend compte d’un problème. Une autre vidéo de GamerMaker Toolkit en parle.
  • Il est important d’utiliser des placeholders pour éviter de ce bloquer également. Pas besoin d’une animation parfaite ou du son exact pour tester une mécanique et remplir les trous. Ça permet d’avancer rapidement, de tester et d’itérer sans perdre du temps à faire ou refaire des images ou des sons à chaque fois.
  • Finalement d’un point de vue game design, j’ajoute qu’il est indispensable d’avoir une approche pédagogique quand on conçoit son jeu. Eviter les pavés de texte et leur préférer des explications implicites est un bon réflexe à prendre. D’une part parce que ça évite du travail de traduction mais aussi et surtout parce que c’est plus impactant pour le joueur ou la joueuse, en conservant le rythme du jeu et en laissant la personne s’approprier le concept à son rythme.


5.    Sunny et son histoire

 

La dimension narrative du jeu est née de 2 choses : tout d’abord mon amour pour les jeux narratifs, et d’autre part une conférence du GDC sur comment rendre son jeu juicy (en anglais ici). Dans cette vidéo, les présentateurs montrent différentes manières de rendre un jeu attrayant, et l’un de leurs conseils est de mettre des yeux sur les items avec lesquels on interagit. C’est comme ça que Sunny est apparu.

Ensuite, je me faisais la réflexion qu’il serait intéressant d’avoir plusieurs étoiles sur un seul niveau. Mais du coup il leur fallait des yeux aussi ! Les adelphes de Sunny étaient nés.

Pour le reste je ne saurais pas détailler plus le process de création de l’histoire. Je peux néanmoins préciser qu’elle est très inspirée de mon vécu et que, si ce n’était pas clair, elle parle de transidentité et de pression familiale. Elle est également inspiré de Steven Universe comme le prouve le T-shirt de Sunny.

Pour finir je peux partager les différents design par lesquels sont passés Sunny, croyez-moi on revient de loin.

Ce que je retire de ça :

  • Raconter une histoire qui nous parle à travers son jeu est une bonne manière de s’y engager et de s’y tenir jusqu’au bout.



6.    La fin du projet et la suite

 

A l’heure où j’écris ces lignes je considère le jeu terminé. Il restera éventuellement un coup de tournevis ou deux à ajouter mais c’est tout. Je sais qu’il n’est pas parfait, que beaucoup de choses pourraient être améliorées et que du contenu pourrait être ajouté, mais je considère en avoir fait le tour.

A présent je bous d’impatience de travailler sur d’autres jeux, d’autant que ce ne sont pas les idées qui me manquent ! D’ailleurs le prochain devrait être un jeu de puzzle audio ;)

 

Ce que je retire de ça :

  • Au début du projet, je m’étais mis en tête d’essayer de le commercialiser. C’est ce que je voyais beaucoup de gens faire et c’est ce que beaucoup de personnes me disaient quand je présentais le projet. Et puis ça semble être un rêve de vivre de sa passion ! Sauf qu’au bout d’un moment, je me suis rendue compte que la communication, la réalisation de vidéos, la présence sur les réseaux, tout ça m’ennuyait terriblement. Et puis en vrai, le marché du jeu vidéo est hyper compétitif et il n’est pas facile de gagner sa vie en indépendant. Quand j’ai abandonné l’idée de le commercialiser je me suis sentie plus légère et j’ai avancé avec encore plus d’entrain sur le jeu, avec comme seul souci celui de faire quelque chose qui me plaise et dont je puisse être fière. 
    Aujourd’hui je suis en paix avec l’idée de ne pas gagner ma vie avec mes jeux et ça ne va pas m’empêcher de continuer à passer des heures à bosser dessus. Tant pis si des inconnu·es ne connaissent pas mon jeu, mes ami·es elleux y ont joué et ont passé un bon moment dessus, c’est le plus important pour moi.


7.    Conclusion : ce que je tire de cette expérience

 

Pour conclure ce postmortem, j’ai envie de parler de l’importance de terminer ses projets. Terminer un projet, c’est se prouver qu’on en est capable et donc construire de la confiance en soi. C’est aussi éprouver des aspects du processus que l’on aurait pas vu autrement, indispensable pour progresser donc. Enfin, c’est le meilleur moyen de toucher plus de gens et ainsi de multiplier les retours, qui sont également indispensables pour progresser.

Bien entendu, il est important de relativiser. Certains projets s’avèrent irréalisables, ou alors ils ne nous enthousiasment plus après un temps. C’est okay de s’arrêter dans ces cas, mais il ne faut pas que ce soit systématique, sinon on cultive une mauvaise habitude.

Du coup, si vous commencez dans le développement de jeu vidéo et que vous n’avez qu’un conseil à retenir de mon retour d’expérience, c’est : Commencez petit mais allez jusqu’au bout ! Construisez votre confiance à mener à bien des projets, et augmentez le scope petit à petit.

 

Si vous êtes arrivés jusque là je vous remercie de m’avoir lu et je vous souhaite bon courage pour quoi que ce soit que vous souhaitez entreprendre.



8.    Annexes


Get Cosmic Billiard

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